Le Conseil
National des Barreaux (CNB) a appelé mercredi 21 mars à une journée
« Justice morte » pour protester contre le projet de réforme de la
Justice porté par la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, et qui était présenté
le jour-même devant le Conseil d’Etat. Les avocats de plus de soixante-dix
barreaux ont ainsi entamé une grève illimitée, prenant une multitude de
formes : grève des audiences, arrêt des désignations par le bâtonnier des
avocats commis d’office, manifestations…
Une déjudiciarisation au détriment des avocats et des citoyens
S’agissant
des innovations en matière civile contenues dans le projet de loi de
programmation pour la justice 2018-2022, le Conseil National des Barreaux dénonce
une déjudiciarisation préjudiciable aux avocats, mais également aux citoyens.
Ainsi la procédure de vente aux
enchères serait confiée aux officiers publics ministériels, ce qui, selon le
CNB, constituerait une atteinte aux droits des justiciables et mettrait en
péril la capacité des Caisses Autonomes des Règlements Pécuniaires des Avocats
(CARPA) à financer des missions de service public telles que l’aide
juridictionnelle.
De même, l’élargissement du
domaine de la conciliation préalable obligatoire n’assure pas une place de
choix à l’avocat, qui est pourtant formé aux modes alternatifs de règlement des
conflits.
Une régression des droits de la défense et des libertés publiques
Quant
aux innovations en matière pénale, elles constituent selon le CNB une
régression des droits de la défense et des libertés publiques.
Une des mesures phares du projet
de loi est la création, à titre expérimental, d’un « tribunal criminel
départemental », composé d’un président et de quatre assesseurs. Cette
juridiction sera compétente pour juger, en lieu et place de la Cour d’Assises,
les personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ou vingt ans de
réclusion criminelle, hors les cas de récidive. Sont donc concernés, notamment,
les viols, les coups mortels ou les vols à main armée. « Les Cours d’Assises demeurent et resteront compétentes pour les
crimes les plus graves (…) comme les meurtres ou les assassinats, ou ceux
commis en récidive », a confié la ministre de la Justice Nicole
Belloubet au Monde, dans un entretien
du 9 mars. Le but affiché est de désengorger les Cours d’Assises et de
permettre des jugements plus rapides. Mais la présidente du CNB, Christiane
Féral-Schulh, estime que grâce à la présence des jurés, le procès d’assises
rend la décision au peuple.
Le projet de loi entend également
faciliter les interceptions de communications électroniques et la
géolocalisation, en prévoyant que ces actes sont désormais possibles tant au
cours de l’enquête que de l’instruction, pour les crimes et les délits punis
d’au moins trois ans d’emprisonnement, sur décision motivée du juge des
libertés et de la détention ou du juge d’instruction.
Le projet de loi prévoit
également d’insérer un nouveau chapitre dans le Code de Procédure Pénale, dédié
aux enquêtes sous pseudonyme. Il élargit ainsi la possibilité de recourir à ce
type d’enquête à tous les crimes et aux délits punis d’une peine
d’emprisonnement, lorsque ces infractions sont commises par un moyen de
communication électronique.
Enfin, le projet de loi modifie l’article
53 du Code de Procédure Pénale en portant la durée de l’enquête de flagrance à
seize jours en matière de criminalité organisée, et en permettant la
prolongation pour un délai de huit jours de l’enquête de flagrance par le
Procureur de la République lorsque la procédure concerne un délit puni d’au
moins trois ans d’emprisonnement, et non plus cinq ans.
Dans de
nombreux Barreaux, la grève se prolongera jusqu’au 30 mars, comme à Orléans,
où, ce lundi, des dizaines d’avocats se sont allongés sur le sol de la salle
des pas perdus du Palais de justice pendant plusieurs minutes en signe de
protestation…
Camille Miglierina
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