Le contexte
La
petite Maëlys de Araujo, 8 ans, a été enlevée dans la nuit du samedi 26 au dimanche 27 août 2017 alors
qu’elle accompagnait ses parents jurassiens au mariage de leurs cousins. Le
mariage se tenait dans la salle des fêtes de Pont-de-Beauvoisin, une commune de
l’Isère (38).
Un suspect
Nordahl
Lelandais, 34 ans, habitant de la commune de Domessin en Savoie (73) est le
seul suspect dans cette affaire. Il était devenu maître-chien à 19 ans au sein
du 132ème bataillon cynophile de l’Armée de Terre à Suippes dans la Marne (51)
avant d’être réformé en 2007.
Les faits
Cette
nuit-là, 150 à 200 convives sont rassemblés pour célébrer le mariage des amis
des parents de Maelys. Nordahl Lelandais ne fait pas parti de la liste des
invités mais il a été convié par un ami du marié pendant la soirée pour qu’il
les fournisse en produits stupéfiants. Au cours de la soirée la petite Maelys
disparait. Les parents de la fillette signalent sa disparition à 3h57 et
commencent à la rechercher. Pendant ce temps, Nordahl Lelandais, est rentré
chez lui changer son short qu’il avait, dit-il, taché avec du vin.
Faute
de résultat, la gendarmerie est contactée. Pour eux, la jeune fille aurait en
fait disparu vers 2h45 du matin. C’est l’heure à laquelle Nordahl Lelandais a
mis son téléphone en « mode avion ». Deux minutes plus tard, des caméras
filment une Audi A3, la même que celle du suspect, dans le centre-ville de
Pont-de-Beauvoisin. À son bord, siège passager, se trouve « une silhouette
frêle de petite taille, vêtue d’une robe blanche ». Presque 30 minutes plus
tard, le véhicule est filmé en sens inverse, cette fois ci, sans passager. Le
téléphone de M. Lelandais se reconnecte au réseau et active les bornes situées
près de la salle des fêtes puisque ce dernier est retourné au mariage après
s’être changé. Enfin, quand il partira de la fête, le suspect remettra son
téléphone en « mode avion » et ne le désactivera que plus de trois heures
après, chez lui.
L’enquête
Le
29 aout 2017 dans l’après-midi, Nordahl Lelandais sera entendu par les
enquêteurs ainsi que tous les autres convives du mariage.
Finalement
Nordahl Lelandais sera placé en garde à vue lorsque les enquêteurs
s’apercevront grâce aux caméras de vidéosurveillance d’une station-service
environnante qu’il a entrepris de nettoyer sa voiture pendant plus de deux
heures le lendemain de la disparition de la fillette et qu’il présente des
traces de griffures sur les bras. Il justifiera le nettoyage intensif de son
véhicule par la vente prévue de celui-ci dans les jours à venir et déclarera
que les griffures résultent du jardinage qu’il a entrepris dans le jardin de sa
mère le lendemain matin de la soirée. Il sera relâché après sa garde à vue mais
le lendemain, il entreprendra de résilier sa ligne téléphonique.
Le
5 septembre 2017 une perquisition à lieu au domicile de la mère de Nordahl
Lelandais conformément aux dispositions des articles 56 et 73 du code de
procédure pénale. Mais les enquêteurs ne remettront jamais la main sur le short
qu’il est allé changer au cours de cette nuit, quelques heures avant la
disparition de Maëlys.
29
septembre 2017, les chiens policiers sont pris de vomissements après avoir
inspecté la voiture de Nordahl Lelandais car l’ancien maitre-chien a nettoyé le
coffre de sa voiture avec un produit spécial pour les jantes qui s’est avéré toxique
pour les chiens.
Les
enquêteurs trouveront finalement des traces d’ADN de la fillette sur le tableau
de bord de son Audi. Selon le suspect, c’est parce que Maëlys est montée dedans,
avec un autre garçon pendant la soirée du mariage, pour y caresser ses chiens
qu’il lui avait montré sur son téléphone. Les enquêteurs ne croient pas à cette
version des faits ni à la présence d’un autre petit garçon. Enfin, Nordahl ne s’est vraisemblablement pas
occupé des recherches, menées pendant la soirée, pour retrouver la jeune
Maëlys. Il aurait préféré filer avant l’arrivée des gendarmes, prétextant être
malade à cause de l’alcool.
Procédure :
Le
3 septembre 2017, il a été mis en examen pour enlèvement et séquestration d’un
mineur de 15 ans au titre de l’article 224-1 du Code pénal (CP). A cet égard,
la mise en examen d’un suspect est décidée par le juge d’instruction en vertu
de l’article 80-1 du code de procédure pénale (CPP) lorsqu’il existe des
indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la
personne suspectée comme auteur ou complice de la commission des infractions
dont le juge est saisi.
Le trentenaire est pour le moment incarcéré à
la prison de Saint Quentin Fallavier. Ce placement en détention provisoire
selon les articles 137-1 et 143-1 du code de procédure pénale est alors décidé
par le juge des libertés et de la détention à la demande du juge d’instruction
lorsque la personne mise en examen encourt une peine criminelle ou
correctionnelle d’une durée égale ou supérieure à 3 ans. Et lorsqu’il est
démontré qu’elle constitue l’unique moyen de parvenir à l’un des objectifs
fixés par l’article 144 du code de procédure pénale tel que la conservation des
preuves et indices matériels. A ce jour Nordahl Lelandais est toujours maintenu
en détention provisoire.
Puis
le 30 novembre 2017, il a été mis en examen pour « meurtre, précédé
d’enlèvement et de séquestration » par les juges d’instruction au tribunal de
Grenoble au titre de l’article 224-2 du code pénal. En effet, le juge
d’instruction est saisi in rem ce qui lui permet d’ajouter une nouvelle
qualification aux faits, en l’espèce « le meurtre » vient s’ajouter à
la qualification « d’enlèvement et de séquestration ». C’est ainsi
que face à la gravité et à la complexité de l’affaire, et en vertu des
dispositions de l’article 83-1 du Code de procédure pénale, l’information a
fait l’objet d’une cosaisine de trois juges d’instruction Grenoblois.
Vers
la fin du mois d’octobre, l’avocat de Nordahl Lelandais, Alain Jakubowicz a
porté plainte pour violation du secret de l’instruction en raison de multiples
fuites dans la presse. Or, seul le parquet au titre de l’article 11 alinéa 3 du
Code de procédure pénale est habilité à communiquer sur une affaire en cours,
en rendant public des éléments objectifs tirés de la procédure et ne comportant
aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes
mises en cause.
Le
23 Janvier 2018, Alain Jakubowicz a déposé une première demande de remise en
liberté pour le compte de son client Nordahl Lelandais auprès du juge des
libertés et de la détention qui en vertu de l’article 137-1 du code de
procédure pénale, est le seul habilité à statuer sur les demandes de remise en
liberté. Cette première demande de remise en liberté a été refusé par le juge
des libertés et de la détention grenoblois. L’avocat de Nordahl Lelandais a
alors fait appel de cette ordonnance de refus devant la chambre de
l’instruction de la cour d’appel de Grenoble qui a rendu le 9 février 2018 un
arrêt de rejet.
Le
14 février dernier, les enquêteurs ont découvert des micro traces de sang
appartenant à la petite Maelys dans la voiture de Nordahl Lelandais. C’est
ainsi qu’après presque 6 mois de silence, Nordahl Lelandais extrait de sa
prison à 7h45, a avoué devant les juges d’instruction saisis, avoir tué
involontaire Maelys le soir du mariage. Il a alors emmené les enquêteurs sur
les lieux ou le corps de la fillette est caché. Le Procureur de la République
de Grenoble Jean-Yves Coquillat déclarera en fin de foirée que le corps de
l’enfant aurait été découvert dans la journée dans le massif de la Chartreuse, ainsi
que les chaussures et les habits de la fillette dans un lieu proche du domicile
de la mère du suspect.
Suite
à ses aveux, le 16 février 2018, Nordahl Lelandais est hospitalisé dans une
unité spécialisée dépendant du centre psychiatrique du Vinatier à Bron (Rhône)
Le 22 février 2018, il est de nouveau convoqué
face aux juges d’instruction pour s’expliquer sur les causes de la mort de
Maelys et sur sa consultation de site pédopornographique le jour et le
lendemain du meurtre de la fillette. En vertu des dispositions de l’article
803-6 du Code de procédure pénale, le suspect a préféré garder le silence et l’entretien
n’aura duré qu’une dizaine de minutes en tout. Son avocat a fait valoir, qu’en
raison de son lourd traitement médical, Nordahl Lelandais n’était pas en mesure
de répondre aux questions des juges.
Finalement,
le 19 mars 2018, Nordahl Lelandais a accepté de s’expliquer sur les
circonstances de la mort de Maelys et sur sa consultation d’images
pédopornographiques. Le procureur de la République n’a pas pour le moment fait
de communiqué de presse, il préfère s’adresser d’abord à la famille de Maelys.
Les affaires
dans l’affaire :
·
L’affaire Arthur Noyer
Le
18 décembre 2017, Nordahl Lelandais est placé en garde à vue dans le cadre
d'une seconde enquête sur la disparition à Chambéry dans la nuit du 11 au 12
avril 2017 du jeune militaire, Arthur Noyer. Ce dernier avait été vu pour la
dernière fois vers 4 heures du matin alors qu'il faisait du stop dans une rue
de Chambéry, après avoir passé la soirée dans une discothèque. Les enquêteurs
s'appuient notamment sur des expertises téléphoniques
Le
20 décembre 2017, Nordahl Lelandais est mis en examen pour « assassinat » dans
le cadre de la disparition du caporal Arthur Noyer, introuvable depuis le 12
avril. Thierry Dran, procureur de la république de Savoie, a expliqué qu’il
s’appuyait sur des « indices graves et concordants » fournis par le « bornage »
de son portable. De plus, la fameuse Audi a été filmée sur le même parcours que
celui d’Arthur Noyer. Enfin, les enquêteurs ont découvert que Nordahl avait
recherché sur Internet la manière de faire disparaître un corps seulement 13 jours
après la disparition du caporal Noyer.
·
L’affaire Coralie Moussu
Le
10 février 2018, de nouveaux soupçons contre Lelandais sont apparus s’agissant
de la disparition de Coralie Moussu datant de 2009.
L'avocat
de la famille de Coralie Moussu, une Gardoise de 32 ans disparue en 2009 et
dont le corps avait été retrouvé dans le Rhône un an plus tard, fait savoir que
la piste Nordahl Lelandais va être étudiée dans ce dossier. "Le Parquet de
Nîmes a écrit fin janvier au juge d'instruction chargé du dossier Lelandais,
pour lui demander de vérifier sa présence éventuelle dans le Gard à l'époque
des faits", indique Me Patrick Gontard.
·
L’affaire Lucas Troche
La
magistrate chargée de l'instruction du dossier de la disparition de Lucas
Tronche à Bagnols-sur-Cèze, dans le Gard, en 2015, a récemment lancé des
investigations pour étudier une éventuelle responsabilité de Nordahl Lelandais
dans cette affaire. Il semblerait que le suspect connaisse bien le secteur de
Bagnols-sur-Cèze, là où Lucas Tronche s'est volatilisé le 18 mars 2015 alors
qu'il se rendait à un cours de natation. Des proches, dont sa filleule,
habitent en effet la région et le suspect y aurait fait plusieurs déplacements.
·
Une multitude de disparitions
suspectes :
Des
vérifications vont être également réalisées sur une autre disparition dans le
Gard, celle d'Antoine Zoia, un adolescent de 16 ans, disparu le 1er mars 2016
près de Nîmes, alors qu'il se devait se rendre dans un bureau de tabac.
Adrien
Mourialmé, 24 ans, disparu en juillet 2017 au bord du lac d'Annecy
(Haute-Savoie). Ce cuisinier belge n'a plus donné signe de vie depuis qu'il est
parti faire une randonnée au bord du lac d'Annecy, près de Talloires-Montmin.
La proximité géographique et temporelle avec les disparitions de Maëlys et
d'Arthur Noyer justifient des vérifications, a indiqué la procureure d'Annecy à
franceinfo. Mais à ce stade, aucun lien n'est établi.
Ahmed
Hamadou, 45 ans, disparu en septembre 2012 au fort de Tamié (Savoie). Cet
habitant de La Bridoire (Savoie) s'est volatilisé vers 5 heures du matin lors
de la troisième édition du festival électro Elements. Un cousin d’Ahmed Hamadou
assure à France 3 que Nordahl Lelandais et le quadragénaire "se
connaissaient de vue". Les deux hommes habitaient à quelques kilomètres
l’un de l’autre. Farida Hamadou, la sœur d'Ahmed, attend beaucoup des nouvelles
vérifications entamées par les gendarmes pour établir ou non un lien avec l'ancien
maître-chien.
Jean-Christophe
Morin, 23 ans, disparu en septembre 2011 au fort de Tamié (Savoie). Un an plus
tôt, ce jeune homme a lui aussi disparu en pleine nuit lors du festival
Elements. Les investigations sont relancées au vu de la proximité géographique de
cette disparition avec les lieux fréquentés par Nordahl Lelandais.
Adrien Fiorello, 22 ans, disparu en octobre
2010 à Chambéry (Savoie). Cet étudiant a été vu la dernière fois le 6 octobre
alors qu'il se rendait à l'université. Il est parti à 9 heures de Firminy
(Loire) et son téléphone a borné à 17h37 à... Chambéry, une ville où Nordahl
Lelandais avait ses habitudes. Le parquet de Chambéry a accepté de joindre
l'enquête aux autres investigations.
Stéphane
Chemin, 33 ans, disparu à Bourg-d’Oisans (Isère) en septembre 2012. Traité pour
schizophrénie depuis dix ans, ce trentenaire traversait une crise lorsqu'il a
disparu le 24 septembre. Le 1er février, le procureur de Grenoble a indiqué
qu'il avait rouvert l'enquête, ainsi que trois autres dossiers : il n'y a
"aucun lien en l’état actuel entre ces quatre disparitions et les affaires
de Nordahl Lelandais", le seul dénominateur, "c’est que les autres
familles m’ont écrit", a-t-il précisé.
Malik
Boutvillain, 32 ans, disparu à Echirolles (Isère) en mai 2012. Depuis qu'il a
quitté son domicile le 6 mai 2012, ce trentenaire diagnostiqué schizophrène n'a
plus donné de nouvelles. Une enquête pour disparition inquiétante a été ouverte
par les policiers de la Sûreté départementale de Grenoble, mais n'a rien donné.
Ses proches ont été reçus par le procureur de Grenoble fin janvier 2018. Le
magistrat leur a annoncé la réouverture de l'enquête.
Nicolas
Suppo, 30 ans, disparu à Echirolles (Isère) en septembre 2010. Cet ouvrier
spécialisé a disparu le 15 septembre, entre midi et 14 heures, sans ses papiers
d'identité. Son père a demandé la réouverture du dossier. "J'ai écrit au
procureur de Grenoble. Domessin, où habite Lelandais, est à une cinquantaine de
kilomètres d’Échirolles. Je veux savoir si mon fils a pu le croiser",
explique-t-il. Cette affaire fait partie des quatre enquêtes rouvertes début
février par le procureur de Grenoble.
Georgette
Bonnet, 79 ans, disparue près de La Chapelle-du-Bard (Isère) en septembre 2016.
Cette retraitée a disparu alors qu'elle se promenait dans le massif de
Belledonne. L’hypothèse privilégiée jusqu’ici était l’accident de montagne,
mais le lieu présumé de la disparition de la septuagénaire se trouve non loin
de la zone d’enquête autour de Nordahl Lelandais". Cette affaire fait
partie des quatre enquêtes rouvertes début février par le procureur de
Grenoble.
Les demandes de
familles de disparus :
Nordine
Seghiri, 49 ans, disparu à Chambéry (Savoie) en juillet 2015. Cet homme n'a
plus donné signe de vie depuis qu'il a fugué, le 10 juillet, de l'hôpital de
Chambéry, où il était soigné depuis quelques jours. Selon Bernard Valezy,
président de l'association Assistance et recherche de personnes disparues, les
restes de Nordine Seghiri ont été retrouvés en mars 2016 sur un terrain vague
de la commune de La Ravoire, près de Chambéry. "Ils ont retrouvé son crâne
et ses ossements, éparpillés sur 3 000 mètres carrés. L'enquête a conclu à une
mort naturelle, mais la famille persiste à croire qu'il a fait une mauvaise
rencontre", explique Bernard Valezy, contacté par des proches de Nordine
Seghiri pour relancer les investigations auprès du parquet.
Par
ailleurs, le père de la petite Estelle Mouzin disparue depuis le 9 janvier
2003, a également demandé au juge en chargé du dossier de sa disparition d’entendre
Nordahl Lelandais. Mais cette piste a été rapidement abandonnée car Nordahl
Lelandais alors âgé de 19 ans au moment des faits se trouvait au camp militaire
de Suippes dans la Marne à environs 150km du lieu de la disparition d’Estelle
Mouzin.
De
plus, début février, les familles de onze personnes disparues se sont réunies
afin d'échanger des informations sur leurs proches et essayer de savoir s'ils
ont pu croiser le parcours de Nordahl Lelandais. Cinq cas ont déjà été évoqués
ci-dessus, voici les six autres :
Rachid
Rameche, disparu à Bassens (Savoie) en juin 2009.
Lucie
Roux, 43 ans, disparue à Bassens (Savoie) en septembre 2012.
Florent
Bonnet, 37 ans, disparu à Bourg-Saint-Maurice (Savoie) en janvier 2014. Son
casque et son deux-roues avaient été retrouvés près du tunnel de Siaix.
Anne-Charlotte
Poncin, 30 ans, disparue à Ambérieu (Ain) en janvier 2016.
Nelly
Balmain, 29 ans, disparue à Saint-Jean-en-Royans (Drôme) en août 2011.
Eric
Foray, 47 ans, disparu à Chatuzange-le-Goubet (Drôme) en septembre 2016.
L’affaire
Nordahl Lelandais est pour l’heure loin d’être terminée, plusieurs enquêtes
sont en cours afin de connaitre sa possible implication dans ces multiples
disparitions. A ce stade, nous ne connaissons toujours pas les raisons qui ont
poussé Nordahl Lelandais à tuer Maelys ni les circonstances de ce drame. Affaire à suivre !
Orane Quénot
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